Le mythe d'Oedipe
Dans le cycle thébain, le royaume des Labdacides, ainsi appelé en raison de Labdacos (petit-fils de Cadmos, le fondateur de Thèbes) occupe une place de choix. Oedipe, le souverain du royaume avec les autres membres de sa famille, crée à travers ses aventures des personnages classiques.
Ce personnage très connu doit son histoire à son destin, qu'avait prédit l'oracle de Delphes. Oedipe fut également roi de Thèbes, et ses enfants, pour leur malheur, furent également reconnus, notamment sa fille Antigone, qui donna son nom à une tragédie.
Mais, aujourd'hui, on voit surtout Oedipe en philosophie, en ce qui concerne le complexe d'Oedipe.
Son destin :
Oedipe, ce héros tragique, était le protagoniste de nombreuses aventures dont les récits furent conservés jusqu'à nos jours, principalement grâce à trois tragédies célèbres. Il est le descendant de Cadmos, le premier roi de Thèbes. Son arrière grand- père était Polydore, fils de Cadmos, son grand-père Labdacos et son père Laïos, tous rois de Thèbes.
Laïos avait épousé Iocaste, fille de Ménoecée et soeur de Créon. Le temps passait mais Laïos n'obtenait pas d'enfant avec Iocaste. Comme cela était courant à l'époque, il alla alors consulter l'oracle. L'oracle lui pré dit qu'il allait mettre au monde un enfant qui apporte rait de grandes catastrophes à Thèbes, qui tuerait son père et épouserait sa mère.
Il évita donc dès lors de s'approcher de sa femme. Toutefois, désirant avidement un enfant, Iocaste, lors d'une fête, le fit boire et ils passèrent la nuit ensemble. Dès qu'il s'aperçut de la grossesse de la reine, Laïos songea à se débarrasser de cet enfant qui mettait sa vie et son pays en péril. Dès qu'il naquit, il lui perça les chevilles auxquelles il passa des anneaux et il les lui attacha. Ensuite, il ordonna à un berger dévoué d'abandonner l'enfant dans la forêt de Cithéron où il mourrait de faim ou de soif ou bien il serait dévoré par une bête sauvage. Mais le berger fut si peiné par l'enfant qui pleurait, que lorsque sur son chemin il rencontra les bergers du roi de Corinthe, Polybos, il leur confia l'enfant sans leur en révéler l'identité. Les bergers le ramenèrent à Polybos et à sa femme, qui n'ayant pas d'enfant, l'accueillir avec joie. La reine Mérope lui donna d'ailleurs le nom d'Oedipo, qui signifie “pieds enflés”, car l'enfant était enflé à l'endroit où Laïos lui avait passé les anneaux.
Oedipe était donc destiné à vivre, à grandir et à devenir un jeune homme fort et intelligent qui considérait Polybos et Mérope comme ses propres parents. Son origine fut gardée secrète jusqu'au jour où lors d'une dispute, quelqu'un voulut l'offenser et lui dit qu'il avait été adopté et que les rois de Corinthe n'étaient pas ses véritables parents. Ne pouvant obtenir aucun renseignement de la part de Polybos et de Mérope, Oedipe alla s'adresser en secret à l'oracle de Delphes.
La réponse de l'oracle n'était pas très claire, mais elle lui indiqua que son terrible destin voulait qu'un jour il tue son père et épouse sa mère, et que lui et ses descendants seraient la cause de grands malheurs. N'ayant rien appris sur ses origines, il continua à considérer Polybos et Mérope comme ses parents. Mais, ne voulant pas que les prédictions de l'oracle se réalisent, il ne retourna pas à Corinthe et erra à travers le pays en accomplissant divers exploits. Un jour, alors qu'il traversait la région de Phocide, à proximité d'un croisement, dans une étroite rue pavée, il rencontra un char et sa suite. Il s'agissait de Laïos qui se rendait à Delphes afin d'interroger l'oracle pour savoir ce qu'il était advenu de son fils, car il était tourmenté par les doutes que celui-ci pouvait encore être en vie. Lors d'un mal entendu qui eut lieu lorsqu'il demanda à l'étranger de se mettre sur le bas côté afin de laisser passer son char, Oedipe se battit avec les voyageurs, tua Laïos et tous ses compagnons, sauf un qui réussit à s'enfuir.
Sur le trône de Thèbes :
A Thèbes, Créon, le frère d'Iocaste, monta avec elle sur le trône, après la mort de Laïos. Avant d'avoir appris l'identité de son meurtrier, ils furent confrontés au problème du Sphinx. Le monstre était assis sur un rocher, à l'extrémité de la ville et il demandait aux voyageurs de résoudre une énigme. Ces derniers ne pouvant trouver la solution, le Sphinx les dévorait. Créon annonça alors, que celui qui parviendrait à résoudre l'énigme et à débarrasser Thèbes de ce terrible monstre, deviendrait roi et épouserait la reine.
Oedipe, en continuant à errer, arriva à Thèbes. Il fut mis au courant de l'histoire du Sphinx et il décida d'essayer de relever le défi afin d'obtenir la récompense. L'énigme était la suivante: “quelle créature terrestre est tetrapède, bipède et tripède, et plus elle a de jambes plus elle est vulnérable”. Oedipe répondit qu'il s'agissait de l'homme, qui lorsqu'il est enfant marche à quatre pattes, lorsqu'il grandit se tient sur ses deux jambes, puis en vieillissant s'aide d'une troisième jambe, la canne.
Après cela, le Sphinx se jeta du haut d'un rocher et se tua. Lorsque la nouvelle se répandit, les thébains accueillirent avec joie leur héros afin de lui céder le trône. Oedipe devint roi et épousa Iocaste. De cette union naquirent quatre enfants : Etéocle, Polynice, Antigone et Ismène. Le règne d'Oedipe était paisible jusqu'au jour où la maladie s'abattit sur le pays et les gens moururent sans que l'on puisse arrêter le fléau. Ne sachant que faire, le roi envoya Créon, le frère de son épouse, interroger l'oracle sur la cause du mal et sur les mesures qui devaient être prises pour sauver la ville du fléau mortel.
La réponse de l'oracle consulté indiqua que pour sauver le pays, il fallait expulser l'assassin de Laïos.
Ainsi Oedipe commença à effectuer lui-même une enquête devant lui permettre de trouver l'assassin. Finalement, n'ayant pas d'autre solution, il interrogea le devin Tirésias, qui révéla que celui qu'il recherchait était Oedipe lui-même. L'avis du devin était tout à fait fiable, car Tirésias, le devin aveugle, était reconnu dans la Grèce entière. Au début Oedipe mit ces paroles en doute et pensa qu'il était peut-être victime des intrigues de Créon. Il pensa à partir pour Corinthe, mais il fut arrêté par la pensée que la prophétie selon laquelle il tuerait son père et épouserait sa mère, se réalise. Peu après on apprit la mort de Polybos et on sut que le peuple réclamait Oedipe sur le trône. Malgré cela, Oedipe craignait toujours que la seconde partie de l'oracle ne se réalise, c'est-à-dire qu'il épouse sa mère. Le messager lui indiqua alors de ne pas avoir peur car Polybos n'était pas son véritable père mais qu'il l'avait recueilli enfant quand un berger de Laïos l'avait trouvé à Cithéron et le lui avait amené au palais de Corinthe. Lorsque le berger qui avait recueilli l'enfant fut retrouvé et qu'il mentionna les cicatrices sur les chevilles de l'enfant, les preuves étaient alors irréfutables. Il réalisa qu'il avait donc réellement tué son père et épousé sa mère. La reine Iocaste, horrifiée par cette monstruosité, se replia dans ses appartements et se pendit. Son fils et époux, qui la suivait, ôta les boucles d'or qui ornaient sa robe et se les enfonça dans les yeux, devenant ainsi aveugle, Il demanda à Créon de le chasser de Thèbes et le pria de s'occuper de ses filles Antigone et Ismène. Antigone l'accompagna d'ailleurs sur une partie de son itinéraire, après sa fuite. Après de nombreux voyages épuisants, il arriva en suppliant chez Colone, en Attique. Lorsque sa fin approcha, Créon et Polynice tentèrent de le persuader de revenir à Thèbes. Toutefois, Oedipe refusa et voulut rester en Attique, où Thésée l'accueillit de manière hospitalière et où il finit ses jours, en amenant, comme l'avait prédit l'oracle, un courant favorable sur la ville où il mourut.
Ses enfants :
Les enfants d'Oedipe, Etéocle, Polynice, Antigone et Ismène étaient poursuivis par la malédiction de la liaison incestueuse entre leur père et leur mère Iocaste. Ils eurent donc une fin cruelle. Les garçons étaient maudits par leur propre père, car ils ne lui étaient pas venus en aide lors des derniers instants malheureux de sa vie.
Au début, Etéocle et Polynice laissèrent le trône de Thèbes à leur oncle Créon, mais ils décidèrent ensuite de s'emparer du pouvoir et de régner à tour de rôle. Un jour où Etéocle ne céda pas le pouvoir, les frères se disputèrent et Polynice quitta le pays. Il se rendit à Argos où régnait Adraste dont il épousa la fille et organisa envers sa terre d'origine une campagne connue sous le nom de “Sept contre Thèbes”. Elle fut appelée ainsi car sept polémarques dirigèrent cette armée qui avait pour but de régner sur Thèbes et de rendre le pouvoir à Polynice. Les assiégeants de la ville sortirent vainqueurs de la lutte et les deux frères se tuèrent réciproquement.
C'est à ce point du récit qu'apparaît le personnage actif et courageux d'Antigone, l'une des deux soeurs des défunts. Créon avait ordonné qu'Etéocle soit enterré avec tous les honneurs, tandis que Polynice, en tant qu'assaillant de sa patrie ne devait pas avoir de sépulture et être livré aux oiseaux, à titre d'exemple et de punition.
Antigone, dérogeant à la consigne du roi, fidèle aux lois morales et sacrées qui étaient selon elle imprescriptibles, entreprit de donner elle-même les honneurs mortuaires et d'enterrer son frère Polynice.
Bien qu'elle ait été l'épouse d'Hémon, le fils de Créon, ce dernier ordonna qu'elle soit ensevelie vivante, lorsque les gardes la surprirent en train de braver l'ordre du roi. Antigone se pendit dans la cellule où elle était enfermée. Alors, Hémon, qui en était très épris, submergé par la tristesse, se tua sur son corps.
En ce qui concerne la petite Ismène, on dit qu'elle aurait été tuée par Tydée, l'un des sept assaillants de Thèbes, lorsque ce dernier la trouva dans le temple d'Athéna en compagnie de Périclyménos, le fils de Poséidon dont elle était éprise. Tydée fut conduit au temple par Athéna elle-même qui était furieuse du fait que la rencontre des amoureux ait eu lieu dans son temple et surtout en raison de sa haine pour le fils de Poséidon, son grand adversaire.
Le complexe d'Oedipe :
Il concerne l'ensemble des sentiments affecteux et hostiles que l'enfant porte à ses parents. Dans son expression normale, l'amour concerne le parent du sexe opposé, et la jalousie-haine celui du même sexe. Dans sa forme déviée, le désir sexuel se porte vers le parent du même sexe et celui de mort vers le parent de sexe opposé.
Le complexe d'Oedipe est une étape normale dans le développement de l'enfant. Il s'exprime avec le plus d'intensité entre trois et cinq ans, décline, puis ressurgit au moment de la puberté.
Il se manifeste, vers les quatre ans chez le jeune garçon, par une cristalisation de l'affection sur sa mère, alors que le père est ressenti comme un rival puissant et dangereux qui empêche la réalisation du désir sexuel pour l'enfant, tout en en jouissant lui-même. L'esprit de l'enfant est alors agité par des sentiments complexes, qui créent une tension qu'il résout soit, idéalement, par la renonciation à l'objet incestueux du désir, soit, moins heureusement, par le refoulement de ce désir.
C'est autour de ce complexe que se forme, pour Freud, la personnalité du sujet. Il va influer sur les choix amoureux, sur le moi (identification), le surmoi (refus ou acceptation de la loi du père) et l'idéal du moi (dans ce cas, par la sublimation de certaines tendances et des images parentales).